C'est faux. Les espèces actuellement vivantes sont différentes de celles présentes dans le registre fossile. De plus, morphologiquement identique ne veut pas dire identique : la majeure partie de l'évolution est changement génomique qui n'influe pas sur la forme des individus.
Cet argument relève d’une très mauvaise compréhension de la classification des espèces et de l’évolution et de ses mécanismes ; utilisé par les créationnistes, il est également largement répandu dans la population, même non réfractaire à l’évolution. A ce titre, il suffit de noter la grande popularité du terme « fossile vivant »
1. La théorie de l'évolution ne dit pas que les organismes doivent évoluer morphologiquement. En fait, dans un environnement immuable, une sélection stabilisante aurait tendance à garder un organisme pratiquement inchangé (en apparence). De nombreux environnements actuels ne sont pas très différents des environnements d’il y a des millions d’années. Mais si l’apparence des organismes ne change pas, ça ne veut pas dire que l’organisation interne des organes ou les capacités biochimiques n’ont pas évolues. A noter qu“on estime à 5% les gènes qui codent pour l’apparence morphologique des êtres2).
2. Certaines espèces dites fossiles ont en fait considérablement évolué. Les blattes, par exemple, regroupent plus de 4 000 espèces de formes et de tailles variées. Les espèces peuvent également évoluer de manière peu évidente. Par exemple, le système immunitaire des limules est aujourd'hui probablement très différent de celui des limules d'il y a des millions d'années.
De même, le cœlacanthe, star des « fossiles vivants » (souvent présenté uniquement comme tel), regroupe en fait une multitude d'espèces, dont les 2 actuelles sont en réalité différentes des cœlacanthes fossilisés, que ce soit morphologiquement 3) 4), ou génétiquement 5). Quand on parle de cœlacanthes, on parle de tout un ordre (à l'instar de l'ordre des primates), on devrait plutôt parler de Coelacanthiformes. Il y a 66 millions d'années il existait des mammifères, des crocodiles et des requins. Ça n'en fait pas des représentants actuels des “fossiles vivants”.
Éric Buffetaut, À la recherche des animaux mystérieux6)
3. Associé à cette idée, on re-trouve également le mythe du progrès , ou l’argument du pourquoi les singes n’évoluent pas ?. Également une idée fausse largement répandue (même en dehors des milieux créationnistes) qui consiste à voir dans l’évolution un processus inéluctable qui améliore les espèces vers le « progrès », à savoir une complexité dont l’homme serait la panacée. Cette idée est celle transmise par la célèbre image de la « marche vers le progrès » :
Or cette idée est complètement fausse (ce pourquoi l’image n’est pas spécialement populaire -euphémisme- chez les évolutionnistes7)) : L’homme n’est pas un singe amélioré, qui serait un mammifère amélioré, qui serait un reptile amélioré, qui serait un poisson amélioré, et ainsi de suite… Si vous prenez une population de poissons actuels, elle ne se transformera pas en Homo sapiens au bout d’un certain temps. Si c’était le cas, en effet, la théorie de l’évolution serait contredite par les singes modernes (mais également par les bactéries, les autres organismes unicellulaires…).
L’évolution est un processus qui tend à adapter les organismes à leur environnement. Celui qui est adapté en retire un avantage de survie et de reproduction qui peut se transmettre. Mais être plus « complexe » (concept déjà largement subjectif), n’est pas forcément avantageux. Les bactéries modernes et les singes ne sont pas moins évolués que les humains, ils ont évolués dans une autre direction.
4. Notons que cet argument est contradictoire avec celui sur le pseudo manque de fossile intermédiaires : En effet, les créationnistes qui utilisent cet argument reconnaissent implicitement l'existence de formes de vie fossilisés tellement proches des actuelles qu'on peut les confondre et qu'il existe un lien indéniable entre eux. Dire que le cœlacanthes n'a pas bougé, c'est reconnaitre que les cœlacanthes fossiles sont des formes intermédiaires entre les poissons antérieurs et les cœlacanthes modernes.